Laurence sortait de l’hôpital Mignot après deux mois d’hospitalisation et une opération de la jambe due à une mauvaise chute. Elle devait avoir une convalescence organisée mais, prétextant une envie de fumer elle sort du car et disparait…
Etienne et Charles, rentrant d’une partie de tennis lundi soir 4 décembre, remarquent Laurence marchant péniblement avec un déambulateur rue Saint Honoré. Ils l’aident à s’installer au 6ème sous-sol du parking Saint Louis en bas des escaliers. Le gardien ferme gentiment les yeux.
Etienne lui a donné un sac de couchage puis, le lendemain, un matelas.
Laurence a 63 ans, maigre et fragile mais vaillante malgré dix années d’errance sans domicile. Elle touche le RSA mais, comme on lui a volé son sac, depuis deux mois elle n’a plus de carte bancaire ni de carte d’identité. Elle n’a plus accès à son argent et n’a plus rien pour vivre. Cependant, de son séjour à l’hôpital, Laurence tire un autre bénéfice que la réparation de son fémur, elle n’a pas touché à une goutte d’alcool.
Les veilleurs : Etienne, Julie et Charles, demandent de l’aide et l’équipe est renforcée avec Bertrand, Hervé, Charlotte et Matthieu de la Conférence St-Vincent de Paul. La première action consiste à mieux connaître Laurence, pour savoir si un plan de sauvetage est envisageable. L’équipe prend contact avec les services sociaux et l’Ordre de Malte.
Laurence est addicte à l’alcool et les assistantes sociales sont rassurées de la savoir retrouvée. Etienne, Charles et Bertrand se relaient pour lui porter des repas chauds le soir. Parfois Laurence se déplace à Rive pour le repas de midi et prend une douche mais, avec son déambulateur, ses déplacements sont lents et douloureux.
Les vacances approchent et l’équipe va se disperser. L’aide apportée à Laurence ne pourra pas continuer de cette manière. L’équipe décide de lancer un appel aux paroissiens car on aura très probablement besoin de ressources pour passer cette période. Le message dans le bulletin, comme une bouteille à la mer parait le 17 : « Offrez à Laurence un Noël plein d’espérance ! ». Le 21, son assistante sociale d’Elancourt apporte un espoir : Laurence répond à tous les critères pour être accueillie au LHSS* de Meulan. Le rendez-vous est pris pour le 4 janvier à 10h.
Reste la question : comment s’occuper de Laurence en attendant : douze nuits avec une équipe très réduite ? L’hôtel parait mal adapté car cher, sans repas et sans accompagnement. Un hôtel appartement ? Pas beaucoup mieux… Son assistante sociale a trouvé sur Booking.com une proposition si étonnante qu’elle craint une arnaque : une résidence Royale à Versailles comprenant une chambre avec, un salon, une cuisine et une salle de bain partagés, pour 450€ les 12 nuits. Inespéré !
Coïncidence ou signe de la Providence : nous recevons un chèque de 400€ le jour même qui pousse à nous jeter à l’eau. Nous réservons le séjour vendredi 22. Le lendemain à 14h nous allons chercher Laurence au 6ème sous-sol du parking.
On se demande si elle est bien là car elle dort. Elle est si menue qu’on voit à peine la couverture déformée. On l’appelle doucement. La couverture bouge un peu. On est rassuré. Sa tête émerge et se retourne. Laurence retire de ses lèvres ce que nous distinguons comme une médaille miraculeuse. « Oui c’est bien ça, on me l’a donné il y a une semaine… nous dit-elle ».
On y va en laissant tout sur place. La voiture est toute proche. On embarque aussi le déambulateur qui, de façon étonnante, ne servira plus.
« Une chambre pour moi toute seule ? … Non ce n’est pas vrai ! »
Nous étions inquiets de découvrir cet endroit improbable. La résidence est très correcte. Un ascenseur nous monte au 5ème et, en fait d’hôtel, nous arrivons dans un appartement assez modeste mais propre. Nous comprenons mieux le tarif, mais l’accueil est chaleureux. Laurence, malgré son aspect et son déambulateur, ne parait pas inquiéter. Nous l’installons et, avant de repartir, lui rappelons notre proposition de repas et messe de Noël à la cathédrale. Pooja, son hôtesse, entend cette proposition et semble intéressée.
Nous étions inquiets de laisser Laurence dans ce lieu inconnu mais aussi rassurés de ne pas la savoir seule. Rassuré surtout par la gentillesse de Pooja.
Pour la fête de Noël à la cathédrale, il était indispensable d’améliorer le look de Laurence. Renseignements pris auprès de l’équipe pour définir les tailles : « le plus petit possible, et pourquoi pas du 16 ans tant Laurence est menue ». Nous faisons les magasins pour une tenue complète plus présentable. Seules les « Crocs » sont gardées car Laurence souffre des pieds.
La première nuit, dans sa chambre, Laurence n’a pas dormi : « le lit était trop confortable ».
Dimanche soir : la fête de Noël ! La tenue de Laurence lui va bien. Pooja, ne souhaitant pas rester seule ce soir-là, exprime son intérêt. Elle est hindouiste de culture mais très intéressée par le christianisme. Nous l’invitons à la messe et au repas organisé par la paroisse.
Ce fut une joie inexprimable pour les deux !
Les douze journées se sont passées de façon inespérée en très grand partie grâce à cette providentielle hôtesse. Jamais nous n’aurions pu espérer une situation aussi parfaitement adaptée aux contraintes que nous posaient Laurence.
Le 4 janvier, à 10 h Etienne et Bertrand, un peu stressés, l’accompagnaient au LHSS* de Meulan.
Aux dernières nouvelles Laurence y prend ses marques et s’intègre très bien à la communauté. Elle retrouve avec joie une vie normale. Elle a renoué les contacts avec ses filles qu’elle n’a pas revues depuis plusieurs années. Elles viendront la voir à Meulan mi-janvier.
Les visites de Laurence vont se poursuivre car les liens créés avec l’équipe sont maintenant solides.
L’équipe de soutien à Laurence
* La structure Lits Haltes Soins Santé résidentiel est un établissement d’accueil temporaire. Elle a pour mission de proposer et de dispenser aux personnes accueillies des soins médicaux et paramédicaux adaptés, qui leur seraient dispensés à leur domicile si elles en disposaient et de participer à l’éducation à la santé.